Sunday, November 28, 2010

Sunday

Je suis étalée sur le tapis, les pieds nus relevés sur le fauteuil. Mon vernis a des paillettes. J’entends le soleil s’installer peu à peu dans le salon puis caresser le bout de mes cheveux. A coté de moi, mon moleskine de l’époque de Paris, un cendrier avec des fleurs roses dessus, une dernière cigarette dans mon paquet et le Ipod qui joue en boucle ‘La Wally’. Je peux rester des heures, allongée comme ça, je n’aurais besoin de rien. De personne. Le plafond est nu, blanc, lisse, propre, sans aucun intérêt. Mon ventre est chaud, le soleil s’infiltre à travers les boutons de ma chemise en jeans. Je revois ses doigts sur mon ventre, sa bouche sur mon nombril. J’essaie de ne pas y penser. Je pense à n’importe quoi. Je lis ce que j’avais écris en Juin mais chaque page est imprégné de son odeur.

‘On avait écouté ‘La Wally’ toute la journée. J’étais assise par terre et je l’observais lire. Il caresse sa lèvre inférieure, ses lunettes glissent tout le temps, je ne crois pas qu’il le réalise. Puis je ne sais plus ce qui s’était passé, mais sans rien me dire, il s’est juste levé, s’est approché et m’avait porté. Je savais ce qui allait se passer. Il m’avait porté dans sa chambre, jusqu'à son lit. On s’était regardés pendant longtemps, trente secondes, douze minutes ou huit heures. Assez longtemps pour pouvoir encore me souvenir de ses lèvres, des poils rasés, du rictus qui tremblait. ‘Je vais juste t’embrasser’. Je sais qu’il ne fallait pas que ça arrive, qu’il est beaucoup trop vieux.’

Je ne veux plus lire. Je croyais que j’en étais capable. De me familiariser avec son souvenir. De côtoyer son nom. De revoir sa peau. Mais il s'avère qu'il m'est impossible. Le soleil est à mes pieds. Littéralement. Mon vernis brille. J’éteins mon Ipod. La Callas se tait fatiguée.

Tuesday, November 16, 2010

3rd world democracy

Dans le miroir de l’ascenseur, je ne ressemble pas à grand chose. Je n’arrive pas à cerner si mes sourcils sont symétriques. Je regarde la reflection de N., je déteste son T.shirt grisâtre et son énorme sac Chanel, très année 2009 une année plus tard. La porte s’ouvre sur des têtes mal coiffées, des filles de 20 ans qui se tiennent mal, parlent à voix très hautes. Une mince titube vers moi, je vois sa bouche grimacer mon prénom et son verre se vider sur sa voisine de droite. Je détourne les yeux pour éviter un discours qui pue la cigarette, la vodka et la stupidité à 2h du matin. Tout semble faux. Tout se passe au ralenti. Quelqu’un me tend une cigarette allumée, tandis que Sam me chuchote à l’oreille que JP est un éjaculateur précoce et que le projet qu’elle devait finir lui complique la vie et qu’elle pense le laisser tomber. Puis je la vois hurler « vodka » dans la direction de JP, attraper la bouteille de Beluga qui circulait sur un plateau, prendre un Xanax qui se trouvait sur le bar et l’avaler avec une gorgée de vodka. La mince s’approche et m’arrache à Sam, elle insiste à grimacer mon prénom encore une fois, m’enlace dans ses bras et me caresse les cheveux, N. me prend par la main, me traine derrière elle, je crois que la mince pose ses lèvres sur mon épaule nue. J’essaie de suivre N. en évitant de regarder dans les yeux, de me cramponner aux bras.

N. claque la porte des toilettes, la verrouille et s’effondre sur le siège en porcelaine. Je lui demande si elle veut faire pipi, elle marmonne un truc incompréhensible, je lui pose la question de nouveau, lui explique qu’elle devrait baisser son collant dans ce cas. Elle dit juste « Shit » puis on rigole. Mes sourcils ne sont toujours pas symétriques. Je cherche dans le sac de N. une cigarette, l’allume, j’entends une salope tambouriner contre la porte en hurlant « yalla !! » J’ouvre la porte d’un coup en immobilisant son poignet en l’air, je lui adresse un grand sourire, murmure un « yalla » dans son oreille et jette ma cigarette dans son verre. Je l’entends m’insulter dans le dos mais tout se passe au ralenti et je continue à flotter dans la foule.

Sam a un regard vide et les mains glaciales, JP tape dans ses mains devant son visage, elle le regarde avec une telle haine qu’il détourne rapidement son regard. Elle se lève, attrape le bord du bar pour se stabiliser, puis elle me demande de la conduire chez elle. JP s’esquive le visage misérable. Un flash explose dans mon visage. Dehors, il ya beaucoup trop de monde, l’air est saturé de conneries, je bouscule un peu les gens en allant vers ma voiture. J’ai perdu Sam entretemps puis à travers les corps ivres, je vois JP pleurer pendant qu’elle lui caresse les joues.

Je suis dans mon lit. Je prends un comprimé vert puis je glisse sur l’arc en ciel.

Monday, November 8, 2010

A cause de toi

Je suis rentrée à 19 heures, débouchée une bouteille de Frascatti. Il est aimable mon vin. Comme un baiser timidement déposé sur ma nuque. Dans mon frigo, 2 poissons. Je n’arrive pas à détourner mon regard de leurs yeux vides. J’ai appris à les toucher, à côtoyer leur peau froide, rugueuse. A leur trancher la tête. Les arracher. Je prends du plaisir à observer leur blanc immaculé se transformer en caramel. La première bouchée est d’une légèreté. Si proche d’un souffle contre mon oreille. Mon verre sue en silence. Je le remplis. Je ferme les yeux pour mieux ressentir cette caresse veloutée du palais.

J’ai 20 ans, il est 7 heures du matin, l’odeur de mon village est différente de celle de ma maison. Le thé a un gout de racines et de jubilation ambigüe. Je crois que la vie peut se dérouler légèrement, avec tendresse et galanterie. Le fromage est un fromage de chèvre, il fond dans l’huile d’olive, le soleil dessine sur la façade de la maison, j’imagine des ombres qui se suivent, les secrets qui sont nés au pied des arbres, même le sable rampe sous mes pieds et les oiseaux me font une tresse.

J’ouvre mes yeux. Je suis dans ma cuisine. Solide, éternelle célibataire, professionnelle, distante. Il n’y a qu’à fermer les yeux de nouveau, ouvrir les narines, écouter les émotions sur sa langue et on y est. Minieh. Le matin jaunâtre, le temps au ralenti, l’accent du Nord, mes cousins étrangers, la poussière et la rosée sur les assiettes, la cloche de l’église et la voix de ma grand-mère.

Friday, July 30, 2010

Parsifal

Deux grands salons. D’un côté, des hommes en costume, enveloppés de fumée de cigarettes, de leurs voix graves, de regards fixés sur leurs chaussures. De l’autre, des femmes en noir, agglutinées, épaulées, des chuchotements, des reniflements, et un hurlement qui vient de temps en temps déchirer l’espace. Au milieu des deux salons, trône le corps d’un homme. Il est posé sur une table recouverte d’un drap blanc qui traine jusqu’au sol. A ses pieds, le crucifix. Tous unis par la chaleur humide, par la mort mesquine. Tous attendent un miracle. Les femmes attendent Jésus venir dire « Homme, lève toi ! », Les hommes attendent une brise de vent.

Elle a 4 ans et se cache derrière la porte du salon. Elle regarde cette femme maigre. La femme statue. Celle qui a les jambes serrées, les chevilles croisées. Celle qui a le dos vouté et le regard fixé sur un point imaginaire au sol. La petite sort de sa cachette, marche ostensiblement vers le corps en faisant claquer le talon de ses chaussures vernies et s’arrête au niveau de son visage. Elle sort de la poche de sa robe une paire de lunettes et la pose sur le visage du corps. Puis en souriant, elle se retourne vers la femme maigre et chuchote « Il a encore oublié ses lunettes ».

Friday, July 9, 2010

Butterflies & hurricanes

Une culotte rose traine au milieu de la chambre. Elle se lève du lit, l’entend sous la douche. La porte de la salle de bains est ouverte. Elle jette un furtif regard vers ce corps nu. Elle cherche une cigarette. Puis un briquet. Met ses talons et se promène nue dans l’appartement.

Il est en sueur. Il n’a pas dormi. Trop chaud. Et ses cheveux trop longs. Ses cheveux à elle. Il regarde ce visage étranger. Il s’éloigne. Elle essaie de le retenir. Il fait semblant qu’il n’a pas vu. Il va prendre sa douche. Il pense à un jus d’orange frais. Il entend ses talons. Il hait ses talons. Il lui faut un jus d’orange frais.

Elle se regarde dans le miroir. Découvre un bleu sur son épaule. Elle appelle Z. lui dit qu’elle boit un verre avec lui. Qu’il pleut très fort. Et qu’elle va probablement encore rester une heure. Ou deux. Z. lui demande « pourquoi faire ». Elle a honte d’avouer qu’elle passe du bon temps avec lui. Même si ça exclut un lit.

C’est une grosse montre d’homme. Il sait qu’elle ne l’a pas achetée. Qu’elle appartenait à un ex. A un oncle. Ou peut-être à son frère. Il préfère ses bras nus. Quand elle enlève la montre et tous les bracelets. Quand elle enlève son maquillage et qu’elle semble vulnérable. In ne sait pas pourquoi elle lui plait. Il ne sait pas si elle lui plait.

Thursday, May 27, 2010

4 mois 9 jours

Je l’ai fait. J’ai finalement pleuré.

J’ai mis ma robe blanche et mes sandales jaunes. Celles qui font mal. J’ai mis du rouge à lèvres. Le violet d’abord. Mais je l’ai trouvé très violet ce matin. Je l’ai enlevé. Remis un rose bonbon. J’ai baissé ma tête en me brossant les cheveux. Pour le volume. J’ai ajouté un pschitt Elnett. Extra Volume. Et j’ai laissé l’odeur me prendre au loin.

La journée est lourde. Il fait 37 degrés. Il fait gris, Je vois un monstre sortir d’un nuage au dessus de ma tête. Je regarde le sol. J’ai seulement droit d’avoir peur la nuit. Le jour m’appartient. La nuit appartient à mon angoisse. Je piétine mon ombre. L’ombre de mes cheveux est parfait.

Aujourd’hui, j’étais la femme à robe blanche et au rouge à lèvres rose bonbon qui sanglotait en voiture. J’étais celle qui ne regardait plus la route et qui s’essuyait furtivement le visage. Celle qui aurait bien voulu qu’on lui dise comment arrêter les larmes.

J’ai finalement pleuré. Puis j’ai laissé l’air de Beyrouth incruster l’eau salée sur mes joues.

Thursday, April 1, 2010

Sponner than later

J’écris parce que je m’ennuie. J’ai fini mon livre. J’ai été dans le bar de l hôtel. JD était froid. J’ai cru que le deuxième serait plus chaud. L’anglais de la 205 m’a fait un sourire en s’approchant. Il s’endort en écoutant CNN très fort. Je suis partie en bredouillant «I’m catching the early flight, enjoy ». J’ai pensé « how perfect would it be if he says cheers mate…in 5 seconds». And he did ! Je pense en anglais. Mauvais signe. J’aime ce lit. Je regarde ma valise à moitié remplie. Je me demande si je pourrais le prendre avec moi. J’enlèverai 2 paires de chaussures et le mettrai à la place.

Je me suis démaquillée. J’ai faim. J’appelle pour un massage suédois. On me propose « trying the Chi Yang Massage, it’s a gold massage that includes 24 carat gold pieces from Far East because gold increases the life span ». J’oblige la petite à répéter cette phrase 3 fois parce qu’elle la récite en chantonnant. J’appelle Mo pour lui dire que Goldshlager sont passés à coté de leur selling line. Il ne répond pas. Je lui envoie un sms.

Wednesday, February 17, 2010

Schubert Impromptu

« Je lui ai dis que ce n’était pas tellement grave d’être en colère »

« Il m’a répondue que ce n’était pas normal que je sois si furieuse »

Il y’avait aussi une quatrième bouteille de vin. Rouge. Je pensais à mes dents qui seront noires quand j’irais tout à l’heure me regarder dans le miroir. Je pensais à tous les mots que j’ai hurlé, à tous les coups que j’ai donné, je pensais aux larmes, aux cris puis au silence qui venait m’écraser.

« J’ai appris à ne rien regretter »

« Cela ne sert absolument à rien. Sauf à jouer à la victime »

Il n’y avait plus de vin. On a décidé qu’on ferait des shots de Jim Beam après chaque secret avoué. Il ya eu des histoires de trahison, de vol de dossiers du collègue, de mauvaise langue, d’un régime hyper protéiné. J’ai sorti un secret qui datait de l’époque de mes dix-neuf ans. C’était un secret drôle. Il a valu deux shots de suite.

Dans la salle de bains, je me suis regardée dans le miroir. J’ai fait un sourire, observé mes dents noires. Assise sur le bord de la baignoire, je me demandais si je serais jamais capable d’avouer que mon plus grand secret était, depuis tout temps, ce désir, ce besoin d’être aimée. Inconditionnellement, scandaleusement, magnifiquement.

Pas ce soir.

Peut être une autre fois. Peut être le jour où je rencontrerais cet autre qui saura m’aimer. Je lui avouerai aussi que j’ai des regrets. Des mots qui font mal, des coups, des larmes, des cris. Des insomnies, des caprices, et encore de larmes. Il haussera les épaules. Il m’aime. Inconditionnellement, scandaleusement, magnifiquement.

Ce soir, je noterai le nom des sachets hyper protéinés. Et m’endormirai avec le regret d’avoir encore trop bu ce soir.

Friday, February 5, 2010

Mon père était

Myope, brun, le frère d'un frère et de quatre soeurs, un centralien, drôle, fan de jazz, celui qui trouvait les meilleures cachettes quand on jouait à cache cache, cartésien, attachant, mauvais perdant au poker, marié à la plus belle femme au monde, mon chauffeur pour aller à l'école quand j'avais trois ans, un danseur hallucinant, jeune, mon papa.

Et parfois. Très souvent dernièrement. Il me manque.

Friday, January 29, 2010

All's fair in love and war

A table, il parle des chrétiens, des palestiniens, du Samedi Noir, de Bachir Gemayel, de Sabra et Chatila. Il parle, commence son petit jeu que je déteste: menton enfoui, yeux écarquillés, fourchette en l'air immobile, qu'il pose quand je l'interrompt, il baisse les yeux en parlant de nombre de morts, caresse la nappe en débitant les stratégies intercommunautaires et fait tourner son verre en citant des dates. Je connais parfaitement le moment quand il relèvera ses yeux, qu'il dessinera un sourire symétrique, qu'il se touchera le bout du nez tout en plissant les yeux et en murmurant "Ça va?" dans ma direction.

Normalement, j'aurai acquiescé. Pas ce soir. Je prends une cigarette, sors sur le balcon. Mes talons font trop de bruit. Ils laissent comme du verglas sur cette discussion. Pas très joyeuse à la base. Je vois Charlotte poser sa main sur son bras en lui intimant de lui expliquer de nouveau la "raison" de la guerre au Liban. Je n'ai pas de briquet. Je n'ai pas envie de rentrer pour en chercher. J'ai une cigarette qui pend tristement entre mes lèvres. Je pense à sa queue qui pend tristement entre ses jambes. Marc me rejoint sur le balcon, il tient 2 verres de vin, il me tend un sans rien dire, prend la cigarette que j'avais entre mes lèvres, la jette.

- Ça ne te flatte pas qu'il connaisse l'histoire de ton pays?

- Ça me flatte que Charlotte s'y intéresse.

Le silence se fait de nouveau quand je rentre. Il ne remarque pas ma présence, trop occupé à expliquer de la géopolitique à sa voisine. J'ai envie de raconter à Charlotte qu'il ne bande plus au bout de 4 verres, que ça ne sert à rien de le regarder droit dans les yeux, qu'il s'en fout de son décolleté, qu'il va bientôt jouir en s'écoutant parler. Mais dernièrement j'essaie de ne pas exaucer toutes mes envies. Je dis juste "Je vais partir. Super soirée." Il se tait, se lève, je l'entends faire la bise à tout le monde, s'affairer, je ne l'attends pas, je prends l'ascenseur. Une fois dans la rue, je vais à droite, la voiture est garée à gauche, j'éteins mon téléphone. Cette nuit, je la passerai avec des effluves de mon pays et le son de mes talons dans ma Paris soudain si froide.