Friday, October 30, 2009

You & I both

J’allume ma cigarette en tremblant légèrement. Encore une nuit…

Je pense toujours à lui. Lui avec ses lunettes à montures épaisses dans cet endroit rouge. Sa façon de nouer son écharpe. Ses sourcils épais. Ses yeux verts. Sa bouche entrouverte quand il dort. Son accent fort en parlant français. Ses blagues. Ce don de vider des verres d’alcool sans broncher.

Je trimballe mon ordi avec moi dans la cuisine. Je prépare mon café. Première pluie à Beyrouth, ce matin il fait un peu plus frais.

« I want you to have it ». Même dans ma cuisine, protégée par ces murs, par la voix du voisin, par l’espace d’un mois, ces mots me donnent toujours la nausée. Comme d’habitude, je parle sans penser. Comme d’habitude, je suis tétanisée par la grosse connerie que je viens de prononcer. Comme d’habitude, je m’enfuis.

Je vais lire mes mails. Chaque jour, je m’attends à voir son nom dans ma boite. Chaque jour, l’amertume me ronge. Rien. Je nourris cette attente d’un sourire qui se veut sage, patient mais qui n’est finalement que trop menteur. Il n’ya plus de Magic Stars, je mange des All Bran horribles. Le gout de l’amertume ce matin a aussi un gout de terre, de sable, de vent glacial.

Pourtant il était tellement beau ce soir là. Et il quittait le lendemain. Et je n’allais pas le revoir avant très longtemps. Je ne sais pas pourquoi j’ai quitté. Au début, j’ai blâmé le barman qui a trop mis du gin dans mon Dry Martini. Puis la réalité fait surface. Et la réalité n’est jamais très jolie. Elle ressemble souvent à une pensée écarlate, à un grand titre dans un journal indécemment ouvert.

T. m’a envoyée la chanson que j’ai fredonnée toute la soirée hier « See I'm all about them words. Over numbers, unencumbered numbered words; Hundreds of pages, pages, pages for words. More words than I had ever heard, and I feel so Alive ».

Quand je me suis levée, je n’avais pas pensé que je prenais de risques, qu’il y avait cinquante pourcent de chances qu’il ne me suive pas, qu’il me laisse partir. C’est en attendant le taxi, que je me suis appuyée contre la grille et j’ai réalisé l’énorme stupidité que je venais de faire.

Lire son nom. En attendant, je m’inflige une image de nous sous la pluie. Une image qui n’a jamais eu lieu. Une image qui n’aura jamais plus la chance d’exister. Une image suicidée trop tôt. J’aurai juste voulu faire ça avec lui. L’embrasser sous la pluie.

Mraz met fin à mes pensées. « Well I'm almost finally, finally out of words ».